Pousser la porte, pas n’importe laquelle, celle au fond du jardin, qui est verte de mousse et de peinture écaillée.
Ne pas faire de bruit et regarder derrière moi pour vérifier si je ne suis pas suivie…
Il est tôt, le jour commence à se lever et je sais qu’elle m’attend, alors je suis heureuse.
Aperçue de loin, je ne la connais pas encore bien, et la savoir si proche me réconforte et je sais que nous allons nous aimer.
Un rendez-vous comme celui-là se prépare à l’avance ; depuis presque un mois, je divague un peu partout. Je veux la voir à son apogée, au moment juste et je sais déjà qu’elle est faite pour moi.
Pas facile d’avouer cet amour là, on se moquerait. Pas grave, j’en ai tellement envie et pour moi c’est la première fois…
Donc c’est important de choisir le bon moment, celui ou elle sera pour moi, et je sais qu’elle m’attends épanouie et pâle. Elle est gracile et pourtant quand je vais l’effleurer je vais sentir ses courbes fraîches et voluptueuses…
Le plaisir est déjà en moi qui descends jusque sur mon ventre et je pense aussi à son parfum, à son air délicat, à sa tendresse quand elle va vouloir me caresser la joue…
Que de bonheur je vais recevoir et de m’offrir à son extase ne me fait plus peur. Ce moment d’exception que je vais vivre sera unique et je l’espère réciproque… Je viens de l’apercevoir et je vais m’approcher doucement, comme par surprise car je ne veux pas l’effrayer. Plus belle que dans mes songes, elle est presque nue et je ne voie qu’elle au milieu de ce jardin sauvage, tellement propice à cette douce expérience… Je voudrais fermer les yeux pour mieux sentir sa présence mais ce n’est pas possible, tant de beauté mérite qu’on s’y attarde longuement sans intermittence.
Je m’avance, je souris et je l’admire de prés pour la première fois. Offerte à son regard, je sais qu’elle m’attend et mes doigts et mes lèvres ont une telle envie de la caresser. Mais je veux faire durer cet instant, j’approche mon visage pour mieux lui appartenir car elle sait déjà qu’elle va gagner.
Je la respire, l’entoure de mon souffle coupé par tant de beauté, et puis ce doux prénom que j’aime répéter, Félicité…
Belle et tendre à la fois, je ne peux parler.
Ma voix pourrait la rassurer mais je préfère qu’elle entende le bruit sourd de mon coeur . Doucement j’approche mes lèvres vers l’antre de son trésor rosé, juste humide et je m’offre sans pudeur et mon corps tout entier exulte… Je m’enivre de son odeur sucrée et son goût de miel m’étourdit et me fait presque m’évanouir.
Il me faut la toucher, mais des frissons me font hésiter. La délicatesse est de mise et je suis émue par tant de sollicitude puisque c’est elle qui va finir par s’offrir… Elle se donne et j’en profite.
Pendant presque un mois, celui de juin, elle me comblera et je ne la ferais pas souffrir.
Félicité Parmentier, je ne vous ai pas oublié. Je parle de vous aujourd’hui et je veux espérer et croire que vous êtes heureuse dans ce même jardin et que d’autres visages vous rendent hommage.
Je vous ai toujours laissé libre, parce que vous étiez chez vous et que je ne n’aime pas trahir un amour pur comme celui là.
Des Hollandais ont racheté notre maison de famille et je suis sure que depuis quelques jours vous leur offrait vos merveilleux atours…
Un souvenir d’enfance même pas exagéré ou j’aimais le matin aller seule dans le jardin de ma grand-mère. C’est à ce moment là que les fleurs exaltent leur parfum juste après les premiers rayons du soleil … Les roses anciennes, Normandes ou Anglaises, les lys blancs de la Madone.
J’aimais m’asseoir sous le figuier, au calme et rêver et je restais là sans bouger et j’étais bien.
Félicité Parmentier est le premier rosier planté par mon grand-père juste après la guerre de 1914.
C’est un rosier arbustif, non remontant, ce qui signifie qu’il ne fleurit qu’une seule fois, au mois de juin.
Ses fleurs sont très parfumées, il est très rare et son obtention date de 1834.
La couleur, rose palissant vers le blanc. C’est un rosier de type alba et qui se plait aussi à l’ombre.
Petite question, à qui pensiez vous que je donnais rendez-vous.
Illustration avec l’un de mes peintres préférés, John William Waterhouse, britanique et préraphaélite.
Notre premier été en Provence juillet 83. Premières vacances ensemble…
Presque une découverte, une grand-mère paternelle d’Aix en Provence, mais si loin, presque plus personne…
Alors le Vaucluse, la Drôme et les Alpes de Haute Provence et des chambres d’hôte louées à l’avance….
Une chaleur difficile à supporter pour ma peau de blonde, alors je me cache entre les rayons, je joue entre les branches des arbres et je ne quitte pas mon jolie chapeau de paille, ni mon écran totale !
Le matin, les marchés de Vaison et de Nyons, parce qu’il y fait frais….
A l’heure du déjeuner, l’ombre des tilleuls de Carpentras et chaque après-midi un rite obligatoire, la sieste….
Les petites rues sont désertes et les commerçants habitués eux aussi au silence laisse leurs portes fermées jusqu’à 15 heures.
Les volets resteront clos, les fenêtres entrouvertes juste pour laisser passer un petit courant d’air…
On se déshabille tout doucement, pas envie de faire de bruit, ne pas déranger la douce torpeur qui nous envahie.
On est bien, sans se parler mais on a chaud, un peu trop…
Nos corps ne sont pas habitués à être malmenés de la sorte, notre peau colle un peu.
Les draps sont frais, mais pour quelques instants seulement parce que nos empreintes vont vite les réchauffer.
Trop fatigués pour une douche, ce sera pour après !
S’embrasser, envie, mais trop difficile et on ferme les yeux.
Tout près, mais sans se toucher, je commence à penser, à plus tard,
au soir…
Lui s’endort pour de bon et je l’envie un peu ; il est couché sur le ventre,
ses deux bras entourant l’oreiller comme d’habitude et moi je regarde le joli tableau…
Il est beau ce corps là, j’ai presque envie de m’approcher mais trop lasse, je reste à ma place.
Si je ferme les yeux, je le vois encore car je commence à le connaître.
J’allonge quand même le cou, juste pour respirer sa peau, encore mouillée de sueur ; j’ai très envie, mais je ne sais pas de quoi !
Je me hisse vers sa nuque et je dépose un baiser, peine perdue car il ne se réveillera pas !
Je tente une autre approche avec ma langue, sur ses fesses, rien ! Pas un sursaut, la respiration reste la même.
Déçue, et si je mordais !
Mais en fille gentille, je n’ose pas et pourtant…
J’ai soif et je n’irais pas boire, trop loin, trop dur et la bouteille d’eau est restée au frais dans la salle de bain, moi qui suis pourtant si prévoyante !
J’ai la bouche sèche et j’avale le peu de salive qu’il me reste.
Je pose une main sur son dos et je m’endors en espérant la pluie…
Une couleur, du vert partout, une odeur alors, non la maison est trop loin.
Un parfum, un peu fort, celui des iris …
Derrière moi le seringat qui offre déjà son premier nectar aux abeilles.
Et le lilas, pourtant j’aurais juré que… Non, pas de lilas !
Alors, ce n’est pas le jardin de mon enfance…
Mais où suis-je ?
Je n’ai pas froid et pourtant je suis pieds nus et les graviers blancs de la grande allée sont doux sous mes pas..
Du vert aussi pour la maison, pour le petit escalier, les portes et volets !
Des propriétaires pleins d’espérance. Et cette vigne qu’on dit vierge qui courre sur tous les murs emprisonnant une glycine qui commence à fleurir.
Pas chez moi, et pourtant un air de déjà vu, de déjà vécu…
Je suis bien par ce que ce lieu me ressemble un peu ; sans aucune méfiance, j’ose avancer sur ce territoire inconnu et un bruit, léger, me fait tourner la tête. Juste le froissement d’aile d’une tourterelle et je n’ai pas peur.
Je suis tout près de la maison et je peux voir derrière une fenêtre la silhouette d’une jeune fille, je crois qu’elle est blonde, la chevelure nouée par un gros ruban noir et je l’imagine belle..
Une table est dressée dans un décor tout bleu, du buffet à la vaisselle, un bleu un peu turquoise ; prés d’une grosse cuisinière en fonte noire et or, un homme se tient un peu courbé et fait de grands gestes..
Des voix, un peu lointaines…. Des mots, des phrases…
Un petit ton sec de la part de l’homme que j’aperçois un peu mieux.
Il porte la barbe et tiens dans une main un grand bol de faïence.
Suzanne j’aimerais que vous… des brides de conversation, des prénoms, Alice vous le permets…. Poser n’est pas aussi fatiguant que vous pourriez le penser…. A partir de la semaine prochaine….
Une femme vient d’entrer dans la cuisine. Vêtue d’un grand tablier blanc elle pose sur la table une corbeille rempli de madeleines, peut-être…
D’autres voix de femmes se font entendre et je recule un peu.
Maintenant, je crois que j’ai un peu froid et je fais tomber le livre posé sur mes genoux.
J’en étais où ?
Ah, oui, la crème au thé !
Que c’est bon de fermer les yeux quelquefois….
La recette de la crème au thé
Faîtes infuser 6 cuillerées à dessert de thé de Ceylan et de thé vert
mélangés dans du lait bouillant (1 litre) sucré avec 25 g de sucre.
Remuez pour faire fondre le sucre, laissez refroidir, récipient couvert.
Lorsque le lait est presque froid, ajoutez 6 jaunes d’œufs battus.
Fouettez puis passez au tamis.
Faites prendre au bain marie, au four, avec le feu dessus.
La jeune fille à l’ombrelle tournée vers la gauche
et que l’on peut voir au musée d’Orsay à Paris,
est la belle fille de Claude Monet, Suzanne, une
des quatre filles de sa seconde épouse,
Alice Hoschédé.
Un petit lien ici ou Philippe Delerm parle de Giverny dans son
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