Si vous ne m’aimez pas…

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Je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus.

 

Mai 87, à Cannes.

Pialat reçoit la palme d’or sous les sifflets du public, gens de la profession.

Et il lance cette invective à la foule devant lui !

Il est courageux, il a osé et pris le pouvoir.

 

Des années auparavant, la petite fille que j’étais alors, n’a pas eu ce don.

 

Alors elle a subit, presque sans rien dire et pendant presque une année…

Un regard échangé, le jour de la rentrée.

 

Et s’en était fini de son insouciance.

Parce qu’un nouveaux professeur en avait décidé autrement…

Une femme petite et pas jolie du tout, professeur de Mathématiques.

 

Ce personnage terrorisait toute la classe, sauf peut-être les deux pestes du premiers rangs, première en tout et toujours citées en exemple.

Le matin, je partais sans manger et jetais mes tartines dans la poubelle ;

et le soir, je ne pouvais m’endormir en pensant au lendemain, surtout si

il y avait cours en première heure.

Je la détestais et chaque soir je priais dans mon lit pour qu’elle disparaisse le lendemain…

Madame, vous ne m’aimiez pas, et c’était réciproque !

Je ne regrette pas les craies que je vous avais jetées à la figure ;

A la maison je m’appliquais pourtant à essayer de ne pas vous décevoir mais devant vous le lendemain rien ne pouvait sortir de ma bouche..

Je connaissais bien souvent les réponses mais quand vos yeux se levaient sur moi, c’était fini, je n’existais plus … Et vous en profitiez !

 

Vous n’avez jamais su Madame, pourquoi  un jeudi de novembre une petite fille de 11 ans s’est avancée dans le lac près de la cascade au Bois…

Mourir, juste un petit peu, pas longtemps, jusqu’au lundi seulement parce qu’elle ne pouvait rendre un devoir le lendemain.

Elle avait gagné une bronchite, 10 jours loin de vous mais surtout fait pleurer sa maman…

Avoir froid, avoir peur en s’enfonçant dans la vase…

Et aujourd’hui toujours avoir la phobie de l’eau, grâce à vous.


Alors j’ai prié très fort pour que vous quittiez l’école et j’ai surtout souhaité votre mort.

Et quand un matin d’avril, la Directrice nous a annoncé que vous seriez absente, que vous étiez malade, j’ai su que c’était grâce à moi, il ne pouvait en être autrement…

Mon dieu que ces quelques semaines passées loin de vous furent douces, et pas seulement à moi, mais à toutes…

Maman et papa avaient compris et se sentaient impuissants, et ils n’étaient pas les seuls parents à s’être plaint à la Direction de l’école.

 

A la fin du mois de mai, on nous annonçait votre mort, une leucémie foudroyante. Je ne savais pas trop ce que cela signifiait mais je n’ai pas pleuré, et je n’ai pas honte, même pas aujourd’hui.

Je ne vous ai pas pardonné, je suis désolée…



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