juin 02
Pousser la porte, pas n’importe laquelle, celle au fond du jardin, qui est verte de mousse et de peinture écaillée.
Ne pas faire de bruit et regarder derrière moi pour vérifier si je ne suis pas suivie…
Il est tôt, le jour commence à se lever et je sais qu’elle m’attend, alors je suis heureuse.
Aperçue de loin, je ne la connais pas encore bien, et la savoir si proche me réconforte et je sais que nous allons nous aimer.
Un rendez-vous comme celui-là se prépare à l’avance ; depuis presque un mois, je divague un peu partout. Je veux la voir à son apogée, au moment juste et je sais déjà qu’elle est faite pour moi.
Pas facile d’avouer cet amour là, on se moquerait. Pas grave, j’en ai tellement envie et pour moi c’est la première fois…
Donc c’est important de choisir le bon moment, celui ou elle sera pour moi, et je sais qu’elle m’attends épanouie et pâle. Elle est gracile et pourtant quand je vais l’effleurer je vais sentir ses courbes fraîches et voluptueuses…
Le plaisir est déjà en moi qui descends jusque sur mon ventre et je pense aussi à son parfum, à son air délicat, à sa tendresse quand elle va vouloir me caresser la joue…
Que de bonheur je vais recevoir et de m’offrir à son extase ne me fait plus peur. Ce moment d’exception que je vais vivre sera unique et je l’espère réciproque… Je viens de l’apercevoir et je vais m’approcher doucement, comme par surprise car je ne veux pas l’effrayer. Plus belle que dans mes songes, elle est presque nue et je ne voie qu’elle au milieu de ce jardin sauvage, tellement propice à cette douce expérience… Je voudrais fermer les yeux pour mieux sentir sa présence mais ce n’est pas possible, tant de beauté mérite qu’on s’y attarde longuement sans intermittence.
Je m’avance, je souris et je l’admire de prés pour la première fois. Offerte à son regard, je sais qu’elle m’attend et mes doigts et mes lèvres ont une telle envie de la caresser. Mais je veux faire durer cet instant, j’approche mon visage pour mieux lui appartenir car elle sait déjà qu’elle va gagner.
Je la respire, l’entoure de mon souffle coupé par tant de beauté, et puis ce doux prénom que j’aime répéter, Félicité…
Belle et tendre à la fois, je ne peux parler.
Ma voix pourrait la rassurer mais je préfère qu’elle entende le bruit sourd de mon coeur . Doucement j’approche mes lèvres vers l’antre de son trésor rosé, juste humide et je m’offre sans pudeur et mon corps tout entier exulte… Je m’enivre de son odeur sucrée et son goût de miel m’étourdit et me fait presque m’évanouir.
Il me faut la toucher, mais des frissons me font hésiter. La délicatesse est de mise et je suis émue par tant de sollicitude puisque c’est elle qui va finir par s’offrir… Elle se donne et j’en profite.
Pendant presque un mois, celui de juin, elle me comblera et je ne la ferais pas souffrir.
Félicité Parmentier, je ne vous ai pas oublié. Je parle de vous aujourd’hui et je veux espérer et croire que vous êtes heureuse dans ce même jardin et que d’autres visages vous rendent hommage.
Je vous ai toujours laissé libre, parce que vous étiez chez vous et que je ne n’aime pas trahir un amour pur comme celui là.
Des Hollandais ont racheté notre maison de famille et je suis sure que depuis quelques jours vous leur offrait vos merveilleux atours…
Un souvenir d’enfance même pas exagéré ou j’aimais le matin aller seule dans le jardin de ma grand-mère. C’est à ce moment là que les fleurs exaltent leur parfum juste après les premiers rayons du soleil … Les roses anciennes, Normandes ou Anglaises, les lys blancs de la Madone.
J’aimais m’asseoir sous le figuier, au calme et rêver et je restais là sans bouger et j’étais bien.
Félicité Parmentier est le premier rosier planté par mon grand-père juste après la guerre de 1914.
C’est un rosier arbustif, non remontant, ce qui signifie qu’il ne fleurit qu’une seule fois, au mois de juin.
Ses fleurs sont très parfumées, il est très rare et son obtention date de 1834.
La couleur, rose palissant vers le blanc. C’est un rosier de type alba et qui se plait aussi à l’ombre.
Petite question, à qui pensiez vous que je donnais rendez-vous.
Illustration avec l’un de mes peintres préférés, John William Waterhouse, britanique et préraphaélite.
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