2 – Ma pluvieuse

CONTE MORAL ET INITIATIQUE 11 Comments »

Rien qui m’appartienne, sinon la paix du coeur et la fraîcheur du ciel

Kobayashi Issa

 

Presque trois jours que je suis ici et le temps ne m’a pas vu passer !

J’essaie de le contourner, et je crois savoir comment l’apprivoiser…

Mais chutt…

Les amis retrouvés, la maison rangée et le jardin arrosé par une douce pluie, toute tendre…

Celle qui ne fait pas de bruit, qui se fait discrète de peur qu’on la surprenne…

Parce qu’elle est peureuse cette eau venue du ciel !

Elle tremble à la moindre apparition d’un ciré et d’une paire de bottes…

J’arrive à  me faire légère pour passer au travers de ses larmes et elle le sait, alors elle me laisse faire et je ne suis jamais bien mouillée !

Si les carreaux de la chambre n’avaient pas été brouillés je ne me serais aperçue de rien…

Mais au travers des jolies traces, j’ai vu !

Vu une moto, presque une silhouette, qui s’éloignait de la Josseraie…

Un homme ? une femme ? Chabada bada !

Mais comme je suis une battante, pas comme cette insignifiante pluie, j’ai pris mon courage à une main !

L’autre tenant le parapluie, je suis entrée dans le jardin…

Surprise, un jardinier avait du s’arrêter en chemin, tout semblait plus aéré !

La grille noire avait été repeinte, et la petite allée désherbée…

Le banc en pierre du Sidobre taillée par mon grand oncle semblait se faire tout petit au milieu d’une végétation bien plus luxuriante que celle laissée par mes souvenirs…

Toute première fois que je pénétrais chez les ennemis !

Je ne sais toujours pas pourquoi cette famille et la mienne s’était fâchée mais ce dont je me souviens exactement ce sont des détours que je faisais pour monter au village…

Mon coeur chamadait à chaque passage, même de très loin !

On m’expliquait gentiment que la mémé qui habitait là avec ses deux fils et une de ses belles filles avait une sorte de don de mauvais augure !

Elle jetait des sorts aux hommes et aux animaux…

Dans cette région proche du Gévaudan, il y a encore des croyances de ce genre, des guérisseurs !

Je n’en menait pas large et ce matin je me suis enhardie même si je n’ai pas encore passé l’âge de croire aux contes de fées et aux maléfices…

La petite bergerie et le poulailler ont  disparu, et je suis au moins sûr que la grand-mère ne me fera pas pourchasser par son bouc et ses coqs !

Plus d’engin motorisé, plus personne pour l’instant…

Je tends  le cou vers la fenêtre ouverte sur la pièce principale qui ne comporte aucun meuble, juste un lit défait dans une alcôve.

Une vieille cuisinière en fonte mais rutilante, garnie de cuivre nargue les murs qui avaient jadis dû être blanc…

Le vent dans les branches du cerisier, la pluie un peu plus dense et des frissons le long de mes bras nus, je me sauve !

Je reviendrais, je le sais…

J’ai fais le premier pas et il me tarde de connaître les nouveaux occupants !

Les petits enfants, des étrangers ?

Dans une heure le boulanger, et je ne veux pas le manquer !

Je pourrais d’un coup de voiture prendre la route pour sa boutique mais s’il n’a plus assez de clients comment vont faire tous ces retraités, tous ces gens qui approchent les 90 ans…

Leur chance, pouvoir se tenir debout, être indépendant…

Le facteur et le boulanger, bien plus que des commerçants !

Des amis de longues dates pour certains, leur petite fenêtre ouverte, quelques mots, les nouvelles de là-haut…

Indispensable à la vie d’ici et à leur vie…

Cet après-midi, j’ai retrouvé ma pluvieuse !

Cachée à côté du puits, connaissant bien la fente dans les pierres pour rejoindre l’antre de sa maison humide et sombre…

Elle fait peur à certain, moi elle me rassure !

Toujours seule ?

Je vous la présenterai bientôt…

Il se fait tard, je vais sans doute faire semblant de lire, ouvrir la porte pour écouter le dehors et peut-être comme hier soir apercevoir quelques lucioles…

Respirer l’air que l’on m’offre, et prendre le temps d’arrêter la pendule du salon…

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