A travers les bois…

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Je sais que je n’aurais pas dû faire cela… mais bon la tentation était trop grande et j’ai succombé à l’envie…

Il était un peu plus de 23h lorsque j’ai retrouvé Delphine à la sortie du dortoir. De son dortoir. Car nous les garçons, comme vous le savez, nous dormions dans l’aile opposée du bâtiment.

La nuit n’était pas si sombre que cela car la Lune brillait presque en entier dans le ciel et surtout il n’y avait pas de nuages. C’était donc parfait pour aller nous promener tous les 2 sans nous perdre. Presque comme en plein jour avec juste un petit filtre fumé sur la nature environnante, un peu comme celui qui recouvre désormais les vitres teintées de certaines voitures.

Delphine marchait à côté de moi et nous nous tenions par la main. C’était la première fois.

J’en avais rêvé tant de fois déjà le soir dans mon lit grinçant avant de m’endormir.

D’avoir cette force suffisante pour oser faire plus, me rapprocher d’elle, combler les 20 cm entre nos mains et la lui prendre, la serrer doucement et ne plus la lâcher.

Me sentir alors envahi par cette chaleur d’être relié à elle, enfin.

Et chasser ce fichu doute constant, cette peur de le faire.

Et là, tout s’était fait naturellement.

Je n’y pensais pas.

Mon esprit était tellement occupé à surveiller à gauche et à droite si personne ne nous voyait, si tout le monde dormait bien.

Ses doigts fins s’étaient noués aux miens dans la longue allée de chênes centenaires, dans la partie sombre du parc, et depuis nous avancions ainsi, main dans la main.

C’était Delphine qui m’avait proposé cette sortie nocturne dans l’après-midi.

“-Charles, j’ai envie de voir l’océan ce soir, mais j’ai peur toute seule, tu veux bien m’accompagner?”.

Une demi-seconde j’avais attendu pour lui dire oui.

Elle aurait pu demander à tous les autres, tous ceux qui tournaient constamment autour d’elle, tous ceux qui la faisaient rire mais non.

C’était à moi qu’elle avait posé la question.

Moi qui étais le plus souvent plongé dans mes livres d’aventures plutôt qu’accroupi à jouer aux billes ou aux osselets, ou à courir après un ballon dans la cour.

“-Je sais que tu n’as peur de rien, Charles, et j’ai pensé que tu étais le seul capable de traverser les Bois-Noirs”.

Incroyable! Moi Charles… choisi. J’étais ravi.

Bien entendu les heures de cours ont été longues. Je ne pensais plus qu’à cela. Notre petite expédition secrète.

Au bout de trente minutes de marche silencieuse, nous avons atteint l’océan.

Mais au lieu de voir l’eau, il n’y avait à la place que le sable à perte de vue.

Et oui on avait oublié.

C’était marée basse.

Et au loin, juché sur son morceau de terre, le Mont St-Michel.

Et c’est à ce moment- là qu’on a fait ce que l’on n’aurait pas dû.

Au lieu de s’asseoir dans l’herbe, de se reposer un peu et de parler, on a décidé de concert de relier l’île à pied.

On avait largement le temps. Ce n’était pas si loin. Et puis on connaissait un peu l’endroit.

Alors on a commencé à traverser la baie.

C’était assez agréable pieds nus. Le sable était doux et assez chaud.

Cela faisait schploc.. schploc.. À chaque pas.

Quel fou rire on avait.

Mais on l’a vite perdu.

Car à un moment donné on a senti un truc pas normal.

On arrivait plus à avancer et on commençait à s’enfoncer.

Les sables mouvants.

Nonnnnn……

A peine deux minutes plus tard, on était enlisé à mi-taille et l’issue semblait fatale.

Alors on n’a plus bougé.

On a continué à se tenir par la main. Notre descente aux enfers s’est stabilisée.

Et on a attendu.

Une heure, puis deux. Puis trois.

En essayant de se rappeler à quelle heure la marée montante allait revenir.

Et nous engloutir.

A jamais.Tous les 2.

Et puis le miracle.

Un cavalier insomniaque. L’homme à la bosse.

Celui que nous croisions parfois en classe de découverte et qui nous effrayait.

Avec son regard dur et ses mains noires.

Il s’est approché de nous sans rien dire et nous a lancé une corde à laquelle nous nous sommes agrippés.

Sauvés.

“Allez montez vite les enfants… La marée arrive.”

“Non Charles ce n’est pas possible. Comment se fait-il que tes affaires soient pleines de sable.. cela n’est pas possible. Ce n’est pas arrivé hier dans la cour en jouant. j’attends donc que tu m’expliques..”.

Le directeur pouvait bien attendre. Je ne lui dirai rien. Jamais.

De cette nuit étrange dans la baie avec Delphine.

Jamais.

Personne ne l’a jamais su. Sauf vous aujourd’hui.

Et j’espère bien que vous garderez ce secret aussi.

Sinon je ne vous raconterai pas la suite.

Une autre fois.

Charles, décembre 2011

Pour connaître la suite dans les jours qui viennent, un petit clic sur la boite  à secrets…

Je vous embrasse et à demain !


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