Quai de scène

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Je m’étais joint un moment au cortège, traversant quelques boulevards parisiens en escortes syndicales, un brin de muguet accroché au zip de mon blouson.

Assez vite lassé par l’atmosphère de fête foraine, je me suis laissé décrocher. D’abord appuyé au parapet surplombant le quai, je regardais l’eau défiler entre l’Hôtel de Ville et Notre Dame, un peu plus loin, un peu plus blanche dans le vert et le bleu tendres du printemps parisien.

Des touristes américains saisissaient la lumière si photographique et encore argentique « amazing, that’s amazing » et je jouais les blasés.

Attiré par quelques reflets, je descendais vers la plage de pavés et restais adossé un moment savourant l’air plus frais et l’énergie de mes vingt ans.

« C’est beau n’est-ce pas ? »

La voix chaude et grave me surprit …

Il était plus grand que moi et mon regard courut sur l’imper’ mastic avant d’arriver à son visage. Anguleux, moustachu, le gris clair de ses yeux était transfixiant.

« Oui » dis-je d’un ton qui se voulait assuré.

Désignant le casque du walkman resté sur mon cou « tu écoutes quoi ? »

Je saisissais son accent germanique qui mettait dans ses paroles une force et une autorité peu commune … sans doute renforcée par la coupe militaire des cheveux et de l’imperméable.

La trentaine marquée et l’allure martiale auraient habituellement engendré un réflex de fuite, mais j’étais … amusé… intrigué !

-          « a-ha »

-          « Ah ! ah ! » et il sourit … sourire régulier et franc, un vrai sourire communicatif qui nous fit rire tous les deux.

Nous sommes allés prendre un verre du coté des halles, juste face aux imbroglios tubulaires et brillants… sur le parvis, un cracheur de feu, une statue vivante et un joueur de saxophone… j’écoutais la musique de sa voix et je pensais Vienne ou Salzbourg.

Il avait un exotisme nordique qui me rapprochait du Kirchengarten et de Mozart peut-être…

J’étais séduit par le changement rapide de ses expressions : ses yeux avaient la capacité de renvoyer des éclairs ou de la douceur, ses lèvres se pinçaient ou s’arrondissaient.

Je me suis laissé entraîner dans cet appartement blanc … sa peau était douce, son corps glabre et tendu… il vivait le sexe dans  l’ambivalence : violent et tendre à la fois.

Deux années plus tard, loin, très loin de Paris, je l’ai recroisé … Mon légionnaire !…

Jardin d’humeur, décembre 2011

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Je vous embrasse, belle journée à vous et à demain…


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