Tes mains tachetées et fragiles me manquent, Grand-ma.
Douces et fermes à la fois, elles caressaient les cheveux de ton petit fils, il y a un peu plus d’un mois maintenant, machinalement, comme tu l’avais toujours fait.
Sur ton lit d’hôpital, les yeux fermés, plongée dans tes rêves, tes mots s’échappaient de tes lèvres, pleins de voyages et de fêtes tandis que tes mains frêles frottaient dans un geste lent, mécanique et précis un pli de ton drap, blanc et sans qualité, un drapé trop fin que tu n’aimais pas et que tu cherchais parfois à enlever dans des gestes désespérés.
Ce geste simple lent et consciencieux que tu affectionnais, ce frottement léger entre ton pouce et ton index, te permettait d’évaluer la qualité du tissu.
Et d’année en année, tu te plaignais, et tu rageais.
Le coton de mauvaise qualité, des dentelles mécaniques et des plastiques, t’ont donné du fil à retordre.
Loin était le temps où tu frottais les chemises de ton père, des chemises en coton épais résistant à l’eau chaude et au savon, il était fier; fier de cette fille qui prenait soin de son apparence, car il aimait s’habiller le dimanche, pas pour aller à la messe, juste pour se sentir bien, propre avec son col amidonné haussant son ostensible cou puissant.
Il a fallu qu’il traverse la seine, ton mari, pour te cueillir.
Tu étais belle et tu l’es restée, la vieillesse n’a qu’habillé ta peau de petits plis gracieux. Ça, tu ne les aimais pas les plis, tu les chassais, avec ton obstination et ton fer, de sa chemise, à lui, le steward voyageur sur les longs courriers, lui qui a vu en toi la blanchisseuse de sa vie.
Il a été gentil un temps et puis, plus trop, et dangereux pour toi à la fin. Mais son linge est resté impeccable jusque dans sa dernière demeure, c’est même toi qui repassas sa dernière tenue mettant un point d’honneur à qu’il soit impeccable même dans la mort.
Et puis il y a eu ton fils, celui dont tu étais si satisfaite de la réussite, de son statut social et jusqu’au bout il t’a tenu ta main.
L’aimer et le choyer, tu l’as fait, à ta façon et parfois maladroitement, te rendant essentiel en t’occupant soigneusement de son linge lui qui n’en avait que faire, lui qui savait que ta raison devait passer par là, par ça, par ce lave-linge et cette table à repasser.
C’était pour toi une manière d’être encore à ses côtés dans son quotidien. Lui, il t’a laissé devenir sa blanchisseuse, car il savait tout cela, que chaque manche et col de ces chemises était une marque de ton affection malhabile. Même marié, même divorcé, même accompagné, il te donnait ses vêtements, pour t’occuper, pour que tu ne dépérisses, pour que tu lui dises un je t’aime à ton pli.
La maison est vide, il n’y a plus de linges à laver ni à repasser, le fer ne fait plus de bruit depuis que ton petit fils à repassé sa chemise. Il est présentable maintenant face à toi.
Tu pars et la blanchisseuse avec, emportant ses petits secrets, ses astuces.
Merci à toi Grand-ma.
Porthos, décembre 2011
Merci à toi Daïdou,
tes mots vont j’en suis sûre grimper jusqu’au étoiles, faire sourire Grand-ma, et l’émouvoir aussi…
La blanchisseuse de Lautrec, c’est un peu elle n’est ce pas…
Pas imaginaire que ce souvenir là, mais une pensée précieuse…
Sous la boite, le blog de Daïdou
Beaucoup de cadeaux, et ce n’est pas fini…
Je vous embrasse tous très fort et à dimanche
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